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Qu’est-ce qu’être patiente ET femme en 2023 ?

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Vik dermatite atopique aux côtés des patients

Par : Vik

Il y a 7 mois

Qu’est-ce qu’être patiente et femme de nos jours ? A l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, Vik a posé la question à 4 battantes de la communauté qui, en affrontant la maladie, donnent une formidable leçon de vie. Dans cet interview, rencontre avec :

  • Delphine, qui a créé le podcast « Naître princesse devenir guerrière », dans lequel, elle donne la parole aux femmes, à la suite de son cancer du sein. 
  • Agnès a une déficience respiratoire de naissance. Ce n’est qu’après l’ablation de son poumon en 2004 que le diagnostic de BPCO a été posé.
  • Fabienne a reçu une greffe de moelle osseuse pour traiter sa leucémie aigüe myéloïde il y a quatre ans. 
  • Laëticia qui a frôlé la mort après un arrêt cardiaque causé par ses crises d’asthme à répétition. 

1. C’est quoi être une femme et une « patiente » en même temps en 2023 ? En quoi cela peut affecter de façon différente la vie de famille ? de couple ? la place dans la société ?

Delphine : 

"Ce n’est pas évident mais je trouve que la parole est plus libre entre femmes. On arrive à bien parler entre nous de tous les tabous. Il y a quelque chose d’assez puissant avec cette sororité et cette parole qui se libère, notamment sur les réseaux sociaux. Les injonctions à la féminité peuvent être difficiles à vivre pour certaines. J'ai fini par faire le choix de reconstruire ma poitrine après avoir longuement hésité à rester amazone (Les Amazones sont des femmes de l’Antiquité qui avaient pour tradition de se couper un sein afin de mieux armer leur arc)"

Agnès :

"Une femme patiente, atteinte d’une maladie, doit rester vaillante pour ses enfants, pour son conjoint, qui ne comprend pas forcément toujours qu’elle puisse être fatiguée. Le mien, il n’arrête pas de me dire : « Je ne comprends pas, tu n’as qu’à te reposer. » Mais avec une BPCO, on est souvent très fatiguée, même si on se repose. C’est compliqué pour les femmes car elles ont en charge beaucoup plus de choses que les hommes, que ce soit conscient ou inconscient dans le couple. Tout ce qui est gestion de la maison, charge mentale, ne sont pas encore tout à fait entrées dans les mentalités. Quand on est malade ponctuellement, cela peut être toléré. Mais quand on a une maladie chronique, c’est tout le temps qu’on doit vivre avec, qu’on doit gérer son traitement qui est plus ou moins lourd, plus ou moins envahissant dans le quotidien. Et autour de soi, ce n’est pas forcément compris."

Fabienne :  

"Pour moi, la grosse différence entre un homme et une femme quand on est malade concerne, l’aspect physique du corps. Les changements du corps que peut subir une femme en traitement sont plus difficilement gérables que pour les hommes. Peut-être que les hommes font un peu moins attention à leur apparence physique. C’est plus compliqué de perdre ses cheveux pour une femme que pour un homme, au vu des témoignages que j’ai reçus. Tout dépend, en fait, de ce qu’on estime être une femme, en 2023."

Laëticia :

"C’est très compliqué d’être femme, patiente et en couple, parce que la maladie, l’asthme en tout cas, impacte beaucoup la vie de couple. Il y a des moments où je ne peux rien faire, parce que j’ai cette pathologie. Alors, quand je suis dans une phase où les douleurs sont moindres, j’essaie de faire le maximum, le ménage, les courses, tout l’administratif, pour compenser et à côté j’essaie aussi d’être une femme pour mon conjoint, c’est-à-dire que je prends beaucoup sur moi, sur mes douleurs pour qu’on profite un petit peu, qu’on fasse une randonnée, qu’on parte en vacances."

2. C’est quoi le plus dur ? Les plus grands obstacles ?

Delphine  :

"Il y a eu tout l’obstacle de la féminité. La maladie, c’est vraiment une remise en question de la féminité, de la sexualité, de qui on est finalement, en tant que femme. Cela ravive des questions préexistantes en fait. Je n’ai pas senti de pression de la Société, mais c’est un cheminement avec moi-même : comment je redéfinis ma féminité, comment je vis cette ménopause forcée, due à l’hormonothérapie. 

Ce que je trouve difficile aussi, c’est la solitude qu’on peut ressentir quand on est malade, par rapport aux autres femmes bien portantes, en bonne santé. Il y a parfois un sentiment de décalage par rapport à celles qui n’ont pas vécu ça. Heureusement que les sœurs de combat sont là pour rompre cette solitude !"

Agnès :

"La femme doit être patiente à tout égard. Quand les enfants rentrent de l’école, ils veulent qu’on s’occupe d’eux, et pas qu’on leur dise « je suis fatiguée ». Et après, quand le conjoint rentre et qu’on est encore plus fatiguée parce que notre énergie s’est de plus en plus étiolée au fil de la journée, notamment lors de la dernière ligne droite avec les enfants, on n’est pas forcément comprises. C’est très général pour toutes les femmes, mais ça devient exponentiel pour une femme qui a une pathologie chronique.

Fabienne :

"Le plus dur a vraiment été les longues périodes d’hospitalisation en chambre stérile où je ne pouvais voir mes enfants qu’une fois par semaine et où j’étais éloignée de ma vie quotidienne. C’est difficile d’avoir un semblant de normalité dans sa vie quand on n’est plus chez soi, qu’on est enfermée dans 15m2." 

Laëticia :

"Aujourd’hui, si je veux trouver du travail, je ne dois pas parler de mon handicap, je ne dois pas parler de ma maladie, parce que lorsque je dis que j’ai des rendez-vous médicaux, des examens médicaux…  je fais très peur aux employeurs.

3. Qu’est-ce qui vous a aidé le plus dans ce parcours ?

Delphine :

"Les soeurs de combat. Ce sont elles qui m’ont le plus aidées.

Ce qui m’a aussi aidé, c’est d'être engagée, d'avoir des projets et de tenter de faire quelque chose de toute cette épreuve. C'est dans cette dynamique que sont nés le livre, le groupe de soutien et le podcast. J'avais trop besoin de projets pour avancer !

Je ne voulais pas subir. Je voulais être actrice de ma maladie. Challenger les médecins, mettre en place des soins de support et un soutien psychologique, rencontrer d’autres femmes en vrai et sur les réseaux sociaux, échanger, aider et me sentir vivante pendant tout ce long parcours !"

Agnès :

"Ce qui m’a aidé le plus et que je n’ai plus aujourd’hui, c’est mon tempérament combatif, tambour battant, qui m’a été inculqué petite. 

Notre société n’est pas tellement dans l’empathie et dans l’attention à ceux qui ne sont pas dans la norme. Même les meilleurs des amis, quand vous n’êtes plus combative, que vous n’avez plus la force de faire quoi que ce soit, vous accorderont un peu moins d’attention." 

Fabienne :

"Ce qui m’a aidée le plus dans mon parcours de soin est la visite de mes proches. Et tout ce que mes proches pouvaient mettre en place pour rester en communication avec moi. Ça a vraiment été une grande chaîne d’amour autour de moi."

Laëticia :

"Après mon arrêt cardiaque, je suis tombée dans une grande dépression. La prise de poids avec les médicaments a aussi été dure à vivre. Quand je suis vraiment très mal, de voir que j’ai du réconfort via les réseaux sociaux, ou par mon conjoint, ça fait quand même du bien. Parce qu’on a besoin de reconnaissance lorsqu’on traverse autant de moments difficiles, qui entraînent tellement de sentiments, la culpabilité, la haine de soi. Ça fait du bien d’avoir du soutien. L’entourage proche est très important quand on est malade."

4. Quels messages souhaitez-vous partager avec le monde ?

Delphine  :

"On a des ressources extraordinaires, insoupçonnables et insoupçonnées pour faire face aux coups durs de la vie. On ne s'en rend pas compte au début. A chaque étape, on se dit « là, je m’écroule vraiment », et puis on se relève à chaque fois."

Agnès :

"Quand j’ai eu l’ablation du poumon, (j’ai une cicatrice dans le dos sous l’omoplate et une autre sous le sein), je ne me suis pas plainte. On m’avait scié les côtes et écartelé pour enlever le poumon, mes enfants avaient 1 an, 3 ans et 5 ans, je suis rentrée, j’ai repris mon aspirateur, ma planche à repasser, mon fer, les paquets de linge à descendre, à monter, jusqu’au jour où je suis tombée dans les pommes chez moi. J’aurai dû dire stop, dire que je ne peux pas faire tout ça. Il faut savoir s‘écouter et savoir poser des limites."

Fabienne :

"« La vie mettra des pierres sur ton chemin, à toi d’en faire un mur ou un pont ». J’aime beaucoup cette citation. Le message que je veux faire passer, c’est que peu importe ce qui nous arrive dans la vie, l’important c’est de rester actrice de ce qui nous arrive, d’essayer de jouer un rôle positif, de vivre chaque expérience, comme si, malgré les difficultés, elle allait nous apprendre beaucoup de choses. Et rester dans le sentiment d’injustice qu’on peut ressentir au début, ça ne fait de toute manière pas avancer."

Laëticia :

"En tant que malade, c’est important aussi qu’on partage un message d’espoir. On pense trop à la maladie d’un point de vue négatif, ce qui est le cas, car elle nous retire de la liberté. Il faut dire aussi que la maladie nous apprend tellement de choses ! Il faut profiter de chaque instant. La vie vaut la peine d’être vécue. Les femmes patientes sont fortes, ce sont des battantes."

5. Quels sont vos projets d’avenir ?

Delphine  :

"Déployer mon podcast et aller à la rencontre d'experts et de gens qui ont de belles histoires qui peuvent redonner espoir à toutes les personnes malades ou à toutes les personnes qui ont des épreuves de vie très compliquées."

Agnès :

"Arriver à bien vivre chaque jour. C’est un avenir qui ne se projette pas, un avenir au quotidien. Oui, il faut avoir des rêves, mais il faut faire des choses à l’échelle de ce que l’on peut. Avoir des ambitions réalisables, sinon c’est frustrant." 

Fabienne :

"Au départ mon pronostic était défavorable, les médecins avaient même dit à mes amis : « attendez-vous à la perdre ». Il y avait une chance sur un million qu’on trouve un donneur compatible, on en a trouvé un. Aujourd’hui, je suis une survivante, et de ce fait-là, je ressens vraiment cette urgence de vivre exactement ce que j’ai envie. J’occupe pleinement mon temps, mais désormais exactement de la façon dont je le veux, et ça c’est quand même un vrai luxe, cette nouvelle liberté que je n’avais pas avant, que je ne m’autorisais pas en tout cas. Tout ce que je vis depuis 4 ans, c’est du « rab », donc autant en faire bon usage. C’est pour ça que je dis : «  je n’ai pas guéri de mon cancer. C’est lui qui m’a guéri »."

Laëticia :

"C’est déjà de trouver un travail adapté à ma maladie, c’est-à-dire pas trop physique, pas trop 35h non plus, car sinon je suis trop fatiguée. Et ça, je crois que c’est le plus gros challenge de ma vie, car avec mes pathologies, je fais tellement peur. 

Et puis réussir à fonder ma famille malgré tout, en tant que handicapée. Je souhaite aussi continuer à sensibiliser et à informer les gens pour aider les malades. C’est vraiment mon combat."

Pour plus d'informations pour mieux vivre en tant que patient, télécharge le Vik correspondant à ta maladie :

Si tu vis avec un cancer : 

https://www.landing.wefight.co/vik-cancer 

Si tu vis avec une maladie chronique  : 

https://www.landing.wefight.co/vik-maladie-chronique

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